il faut un premier

Espace d'expression en français s'il vous plaît...
Répondre
Avatar du membre
vieux-new-one
Je scinde les sujets.
Je scinde les sujets.
Reactions :
Messages : 3309
Enregistré le : 10 oct. 2007 15:16

il faut un premier

Message par vieux-new-one »

Pour débuter, pourquoi ne pas rester dans l’univers du bricolage… avec un petit texte écrit en 2006 à 15 000 kms de la France lors du ponçage de la coque du Wapiti (mon bateau) en vue d’une peinture neuve. Je parle d’une ponceuse orbitale sur laquelle on colle des disques abrasifs, en général rouges et percés de trous pour évacuer la poussière. Cet outil accompagne mes bricolages depuis un nombre d’années imposant, elle a fait, entre autres, tout l’aménagement du Wapiti avant mon départ. Elle est encore au taf pour le camion…




Poussières d’île

Comment ne pas parler de celle avec qui je passe de longues heures depuis plus de quinze jours maintenant, celle avec qui je vibre à l’unisson. Une vieille histoire, d’ailleurs, longtemps interrompue, qui s’est renouée facilement.

Nous dessinons ensemble, sur les flancs de mon fringant navire, des cartes de mondes imaginaires, continents et îles blanches sur fond de mer grise, que l’érosion fait apparaître puis disparaître dans une vision orbitale d’un univers courbe, tout en rondeurs.

Nos retrouvailles furent gaies. Elle s’est même mise à chanter. L’euphorie fût éphémère. Le contre ut final et intransigeant, témoin unique de la fin d’un roulement, ne fut accompagné d’aucun roulement de tambour. Un cri bille en tête, manifestant l’émotion terminale d’une longue vie de labeur que nous avions jadis partagée.

Lorsque je pus, fébrilement, lui remettre de beaux roulements avec des billes rondes comme des perles, j’eu la sensation de lui passer la bague au doigt, en enfilant ces anneaux d’argent sur son unique index pointé vers moi. Quoi de plus émouvant pour redémarrer une vie commune.

Elle fait une consommation de robes que je regarde d’un œil indulgent. Je les lui ai offertes après les avoir soigneusement choisies. Du 40, de chez Corrindon, pas de la haute couture mais du prêt à poncer de qualité avec huit jolis trous répartis dans leurs circonférences. Mais à se frotter comme nous le faisons à la dure réalité de la géographie convexe que nous entamons chaque seconde avec foi, l’habit perd du mordant de ses couleurs pourpres. Aussi, laissons nous, comme autant de traces vivaces de longues étreintes agressives, un cortége de vêtements froissés éparpillés le long de notre persévérance.

Son dos appuyé contre mon torse ou mon ventre, je la pousse en avant de toute mon énergie, me cramponnant au bord du liston comme à la tête d’un lit. Le monde résiste mais que peut-il faire contre une telle exaltation. En fréquence partagée et modulée, mes os résonnent dans tout mon corps. Nous ralentissons en peinant, nous relâchons la pression en reprenant notre souffle, nous accélérons pour la touche finale : une île résiduelle d’un défunt continent vient d’être engloutie. Une presqu’île résiste juste à côté. Il faut naviguer à vue, creuser des milliers de sillons finissant par se croiser dans des arabesques orbitales, bien sûr.

Nous chauffons ensemble, elle au milieu d’un nuage d’électrons, moi au milieu d’un nuage de photons. Des larmes perlent sur mon front. Et dans un long grognement abrasif ininterrompu, nous enfantons des milliers d’infimes papillons de poussière blancs, immaculés, que l’alizé disperse généreusement sur la terre d’une île perdue au milieu d’un immense océan.
Si on ne fait rien, rien ne change !
Avatar du membre
sebidon
Surfeur sur forum
Surfeur sur forum
Reactions :
Messages : 1088
Enregistré le : 25 sept. 2011 15:52

Re: il faut un premier

Message par sebidon »

joli
Avatar du membre
commandher
Off-Roader
Off-Roader
Reactions :
Messages : 186
Enregistré le : 16 févr. 2009 21:42

Re: il faut un premier

Message par commandher »

excellent !
Merci mille fois... alors qu'il s'agissait d'une punition pour moi, je vais pouvoir considérer le ponçage avec un tout autre esprit :D
Le Camioneur
Je ne veux voir qu'une seule tête.
Je ne veux voir qu'une seule tête.
Reactions :
Messages : 2415
Enregistré le : 11 janv. 2011 22:13

Re: il faut un premier

Message par Le Camioneur »

new-one a écrit :sur son unique index pointé vers moi.
Es-tu sur que c'est son index? :lol:
Aah les ingrates! :roll:
...
Avatar du membre
sebg61
Je scinde les sujets.
Je scinde les sujets.
Reactions :
Messages : 3575
Enregistré le : 18 août 2010 18:49

Re: il faut un premier

Message par sebg61 »

Salut :

"
Pendant les rar's moments de pause,
Où il n' répar' pas quelque chose,
Il cherch' le coin disponible où
L'on peut encor planter un clou (boîte à outils). (bis)
Le clou qu'il enfonce à la place
Du clou d'hier, il le remplace-
Ra demain par un clou meilleur,
Le même qu'avant-hier d'ailleurs.

Refrain
Mon Dieu, quel bonheur !
Mon Dieu, quel bonheur
D'avoir un mari qui bricole
Mon Dieu, quel bonheur !
Mon Dieu, quel bonheur
D'avoir un mari bricoleur
(Boîte à outils). (bis)

Au cours d'une de mes grossesses,
Devant lui je pestais sans cesse
Contre l'incroyable cherté
D'une layette de bébé (boîte à outils). (bis)
Mais lorsque l'enfant vint au monde,
J' vis avec une joie profonde
Qu' mon mari s'était débrouillé
Pour me le fair' tout habillé.
(Au Refrain)

A l'heure actuelle, il fabrique
Un nouveau système électrique,
Qui va permettre à l'homme, enfin,
De fair' de l'eau avec du vin (boîte à outils). (bis)
Mais dans ses calculs il se trompe,
Et quand on veut boire à la pompe,
Il nous arriv' d'ingurgiter
Un grand verre d'électricité.
(Au Refrain)

Comme il redout' que des canailles
Convoit'nt ses rabots, ses tenailles,
En se couchant, il les installe
Au milieu du lit conjugal (boîte à outils). (bis)
Et souvent, la nuit, je m'éveille,
En rêvant aux monts et merveilles
Qu'annonce un frôlement coquin,
Mais ce n'est qu'un vilebrequin !

Mon Dieu, quel malheur,
Mon Dieu, quel malheur
D'avoir un mari qui bricole !
Mon Dieu, quel malheur,
Mon Dieu, quel malheur
D'avoir un mari bricoleur !
"

http://www.youtube.com/v/Qouyv0fVkTE?version=3&hl=fr_FR

heu je triche là :oops: c'est pas de moi :lol: :lol: :lol:

aller, @+

seb
Avatar du membre
vieux-new-one
Je scinde les sujets.
Je scinde les sujets.
Reactions :
Messages : 3309
Enregistré le : 10 oct. 2007 15:16

Re: il faut un premier

Message par vieux-new-one »

Edit : suppression du message envoyé 2 fois...s'cuses
Modifié en dernier par vieux-new-one le 04 nov. 2013 09:56, modifié 1 fois.
Si on ne fait rien, rien ne change !
Avatar du membre
vieux-new-one
Je scinde les sujets.
Je scinde les sujets.
Reactions :
Messages : 3309
Enregistré le : 10 oct. 2007 15:16

Re: il faut un premier

Message par vieux-new-one »

Bonjour

Ne sachant où caser ce qui suit j'ai finalement opté pour ce post qui inaugurait cette rubrique "A vos plumes"

Je suis un fervent défenseur de la langue (celle de son pays natal) car la maîtrise de la langue est la pierre angulaire de la formation de l'esprit et de la capacité d'adaptation (l'intelligence) qui permet aux individus (et à la société) d'évoluer.

Un forumiste :D vient de m'interpeler en me demandant "pourquoi tu te poses toutes ces questions", la réponse tient en deux mots :
curiosité, comprendre.

Je suis tombé par hasard sur les analyses sémantiques qui suivent et je ne peux résister à les citer puisque nous sommes, sur BMH, des voyageurs, actuels ou futurs, réels ou virtuels.... donc... curieux

En français, comprendre vient de « cum prehendere », c'est à dire prendre avec soi. François ASSELINEAU en déduit notre approche narcissique du monde, brillante et généreuse, mais souvent naïve et superficielle, tant nous sommes convaincus que les étrangers raisonnent comme les Français.

En Anglais le mot « understand » signifie se tenir en dessous, ce qui expliquerait la finesse et la subtilité de nos voisins britanniques, mais aussi leur goût du sous-entendu, voire de la dissimulation. Perfide Albion.

En allemand, le « verstehen » signifie « se tenir bien droit » ce qui serait une traduction, à la fois de la rigueur et de la fiabilité que l'on prête à nos voisins d'Outre-Rhin, mais aussi de leur tendance à la lourdeur et à l'immobilisme.

En japonais, le mot « wakarimasu » s’écrit à partir du kanji qui représente une épée coupant un morceau de bois ; au Japon, « comprendre », c'est ainsi « couper en morceaux », d'où la capacité des Japonais à analyser et disséquer, mais leur difficulté devant l’abstraction."


Cordialement
Yves
Si on ne fait rien, rien ne change !
Avatar du membre
vieux-new-one
Je scinde les sujets.
Je scinde les sujets.
Reactions :
Messages : 3309
Enregistré le : 10 oct. 2007 15:16

Re: il faut un premier

Message par vieux-new-one »

Bonjour

J'avais inauguré cette rubrique et il y a longtemps que je ne l'ai pas alimentée... en voici un petit bout supplémentaire puisque la question qui revient le plus souvent en ce début d'année est :

ça va, ça va ? ça va merci.

Bon alors tout va et si tout va c'est que ça va. C'est vrai ça. C'est ben vrai, même.
Parce que si c'est pas sûr que ça va, quand on dit ça va pas c'est que ça va vraiment pas. Mais si ça se trouve ça va pas si mal. ça pourrait aller mieux, c'est sûr, ça peut toujours aller mieux.
Ceci dit, ça peut aller plus mal. C'est vrai ça. C'est ben vrai, même.
Bon enfin, si ça va, ça va. J'en suis ben content. Voilà. A part ça, ça va. ça va même plutôt bien.
Pas pour tout, bien sûr. Tout ne va pas toujours bien.
Mais quand on dit que ça va jamais, c'est pas vrai.
Il y a toujours quelque chose qui va. Et puis, ce qui va aujourd'hui, ça va pas demain, même que des fois c'est le contraire. C'est pas incroyable ça ?
En fait ça peut aller tout en allant pas.
Ce qui va, ça va pour ce qui va, mais ça peut ne pas aller en même temps pour ce qui ne va pas. Et ça, que ça puisse aller et ne pas aller en même temps, et ben, ça va pas.
Enfin d'une certaine manière. Parce que, ce qui ne va pas gâche ce qui va. Il ne faut pas beaucoup de ce qui gâche pour gâcher ce qui ne gâche pas. Souvent il faut beaucoup de ça va pour sauver un peu de ce qui va pas.
Enfin c'est comme ça que ça va.
Alors ça va ? ça va merci.
Si on ne fait rien, rien ne change !
Avatar du membre
j-loo
Reactions :

Re: il faut un premier

Message par j-loo »

coucou !!

tu es sur que ca va toi ??
:wink: :wink: :twisted:

j-loo (qui va !! ou ? je sais pas, mais qui va !!) 8)
Avatar du membre
bernard
Perdu ?
Perdu ?
Reactions :
Messages : 2471
Enregistré le : 13 janv. 2007 16:45
Chaine Youtube : https://www.youtube.com/user/bastien59960/videos
Profil Facebook : https://www.facebook.com/bernard.debucquoi
Site Perso ou Pro : http://bernard.debucquoi.com

Re: il faut un premier

Message par bernard »

Mais Yves , tu as changé ton traitement :lol: j'ai vraiment l'impression que ça va ! :wink:
Le vin d'ici est meilleur que l'eau-delà.
Vous aimez ce forum ? Alors soutenez le => http://forum.bernard.debucquoi.com/view ... 129&t=9673
:arrow: Membre BMH & Co

Bernard
Avatar du membre
vieux-new-one
Je scinde les sujets.
Je scinde les sujets.
Reactions :
Messages : 3309
Enregistré le : 10 oct. 2007 15:16

Re: il faut un premier

Message par vieux-new-one »

Alors, mon cher Covid dix neuf
Par chez toi, quoi de neuf ?

Tu te promènes, sans papier, sans visa
Profites en ça ne durera pas.

Nos guerriers tout droit sortis de l’ENA
Sont tous solidaires, comme naguère,

La fleur au fusil partis en guerre.
Faut il faire fi de pensées vulgaires ?

Mais quand, comme disait la chanson,
On est plus de quatre on est une bande de cons.

D’autres poètes, sans scrupules ont osé.
Ils partirent vingt et cent, ils étaient des milliers

Nus et maigres… comme ceux qui t’échapperont
Qui ignorons ce qui nous attend pauvres couillons.

De génocides en génocides, notre humanité
Ne fait pas figure de charlatan sans pitié

Face à toi mon cher Covid dix neuf.
Alors quoi de neuf ?


Cdt
Yves
Si on ne fait rien, rien ne change !
Avatar du membre
come 09
Je scinde les sujets.
Je scinde les sujets.
Reactions :
Messages : 4999
Enregistré le : 05 juin 2009 00:14

Re: il faut un premier

Message par come 09 »

(.....facepalm....)
tp3
trm2000
B110 ponticelli
hdj80 12s
nissan 350z
renault r2087
clio 4 rs edc 200 modif,stage 1: 235ch et 319Nm
renault espace IV 2L turbo 170ch
Avatar du membre
bernard
Perdu ?
Perdu ?
Reactions :
Messages : 2471
Enregistré le : 13 janv. 2007 16:45
Chaine Youtube : https://www.youtube.com/user/bastien59960/videos
Profil Facebook : https://www.facebook.com/bernard.debucquoi
Site Perso ou Pro : http://bernard.debucquoi.com

Re: il faut un premier

Message par bernard »

Merci Yves , chacun sa façon de lui faire la peau à ce virus et ma foi la tienne ma plait bien et en le lisant j’entends ton accent :thumbup: :thumbup: Thks
Le vin d'ici est meilleur que l'eau-delà.
Vous aimez ce forum ? Alors soutenez le => http://forum.bernard.debucquoi.com/view ... 129&t=9673
:arrow: Membre BMH & Co

Bernard
Avatar du membre
fab38
Gazogéne !
Gazogéne !
Reactions :
Messages : 772
Enregistré le : 06 sept. 2011 10:16
Prénom(s) : fabien

Re: il faut un premier

Message par fab38 »

sympa cette rubrique que je découvre, avec bonheur :thumbup:

car j'aime également écrire des petits textes sur des sujets qui me touchent
là où la route finit, l'aventure commence
Avatar du membre
fab38
Gazogéne !
Gazogéne !
Reactions :
Messages : 772
Enregistré le : 06 sept. 2011 10:16
Prénom(s) : fabien

Re: il faut un premier

Message par fab38 »

voici mon texte sur les enfants qui fuient la guerre :
…...…………………….....

Des milliers et des milliers de corps
Reposent au fond de la méditerranée
Moi, petite fille Syrienne, j’étais à bord
J’ai tout vu, ils sont bien morts

Je m’appelle Amel, j’ai dix ans et j’ai survécu
Est-ce normal, tout ce que j’ai vécu ?
J’ai vu ce dont l’homme était capable
Du pire, pas du meilleur
Ils ne sont jamais jugés, ils ne sont jamais coupables
Moi je rêve d’ailleurs

J’ai perdu mes parents
Mon papa, ma maman
Alors j’ai couru
Eviter les obus
Ne surtout pas regarder les pendus
Ne pas tomber aux mains des barbus

J’ai peur et je m’appelle Amel,
Ça signifie Espérance en Arabe
Pourvu qu’un ange me prenne sous son aile
Me sorte de ce panier de crabes

Je rêve d’une nouvelle vie
Vivre librement à Paris
Mais on ne veut pas de moi
Ni là-bas ni ici

L'Aquarius notre bateau de secours, était bloqué en mer
La France nous a refusé, ce n’est pas son affaire
3 jours plus tard on a enfin débarqué en Italie,
Il était temps, j’étais affaibli
Maintenue derrière un haut grillage
C’est trop dur à mon âge
Je regrette presque notre dictateur
On crevait la faim mais on avait moins peur
Et surtout moi, jeune fille
J’étais insouciante, entourée par ma famille

J’ai beau lire et relire le Coran
Rien n’explique ce qui est arrivé à mes parents
Je ne suis pas seule derrière ce grillage
Nous sommes des milliers à avoir fait le voyage
Je regarde autour de moi
A la recherche d’une connaissance
Mais je ne reconnais personne de chez moi
Personne ne me regarde, c’est l’indifférence

J’entends un homme crier :
- Y a t-il une petite Amel, ici ?
Je crie, je lève la main, je saute :
- oui je suis là, s’il vous plait, aidez-moi
Un militaire, grand et barbu, me prend par la main
Il a l’air gentil celui-là, il a quelque chose d’humain
Il sourit :
- Viens petite, il y a quelqu’un qui te cherche
Je reconnais mon grand frère, Fendi
Le portail s’ouvre
Je cours
Il ouvre ses bras
Tout se passe sous les caméras
Je pleurs
De bonheur
Je ne suis plus seule
Je n’ai plus peur
Il me parle de Paris
Il y connait des amis
- Peu importe où tu vas, je te suis
Je veux seulement ne plus jamais être seule

Moi Amel, dix ans, j’ai une pensée
En ce moment, une chaloupe est en mer
Elle est pourrie, elle tangue, elle est surchargée
Les passeurs, restés au pays, s’en moquent et s’enrichissent
Les pauvres passagers à bord ne savent même pas nager
Vont-ils finir aux abysses ?

Je pense à eux, à tous ces malheureux
Qui en ce moment ne rêve plus de Paris
Ils veulent seulement sauver leur vie.




.
Modifié en dernier par fab38 le 05 avr. 2020 13:49, modifié 1 fois.
là où la route finit, l'aventure commence
Avatar du membre
fab38
Gazogéne !
Gazogéne !
Reactions :
Messages : 772
Enregistré le : 06 sept. 2011 10:16
Prénom(s) : fabien

Re: il faut un premier

Message par fab38 »

voici mon tetxe sur les enfants dans les hôpitaux

Hommage au Centre Léon-Bérard à Lyon
Pôle régional de recherche contre le cancer
………………………………………………………………………….



Le clown du jeudi :



Je m’appelle Baltazar,
Et j’aurai bientôt huit ans.
Je regarde par la fenêtre, les saisons se succéder
Il y a eu l’hiver, le printemps et voici venu l’été.

Hôpital Léon-Bérard, chambre 112 depuis bientôt deux ans.
Je regarde toujours par la même fenêtre, les feuilles tournoyer
Je suis comme dans un tupperware, surprotégé de tout
Je rêve de sentir le vent caresser ma joue
Je rêve de pourchasser les oiseaux pour les faire s’envoler
Je rêve de taper dans un ballon, de sauter dans une flaque.

Je me rappelle de ce matin horrible, où je me suis réveillé
Mes cheveux étaient tous restés sur l’oreiller
J’ai hurlé, les infirmiers sont venus et m’ont pris dans leurs bras
M’ont dit qu’ils m’avaient pourtant prévenu.
J’ai pensé à mes camarades qui sont à l’école à cette heure-ci
Qu’ils ne vont pas me reconnaitre s’ils me voient ainsi
Qu’ils m’ont peut-être même déjà oublié

Je voudrai tant retourner à l’école
Courir avec les enfants et revoir ma maitresse Nicole

Un jour, L’infirmière Madame Leblanc, ouvrit la porte et me dit :
Baltazar, « sais-tu quel jour on est aujourd’hui ? »
A son grand sourire, je comprends qu’on est jeudi
J’entends des rires venant de la chambre d’à coté
Je suis si impatient de l’entendre toquer
Je devrai dire « c’est qui ? »
Il me répondra « c’est le clown du jeudi »
La poignée va doucement s’abaisser et je vais commencer à apercevoir ses cheveux orange
Sa veste à carreaux
Sa fleur en plastique qui jette de l’eau
Ses grands yeux entourés de blanc
Sa chemise à fleurs
Ses grandes chaussures plates et son grand sourire
J’adore ce vieux monsieur qui fait rire

Il s’approche de moi et me donne un cadeau
Il me fait un clin d’œil et j’appui sur la fleur,
Il en sort de l’eau, je suis émerveillé, je trouve ça si beau

« Sais-tu, Baltasar, qu’on a un point commun depuis aujourd’hui ? »
Il enleva sa perruque et son crane était aussi lisse que le mien
« Tu vois Baltasar, moi aussi je n’ai plus de cheveux,
Je suis un vieux clown mais ça ne doit pas t’empêcher d’être heureux »

Le temps passe vite et c’est déjà le moment pour lui de repartir,
Il me tourne le dos et me dit « à jeudi »
La porte se referme, je me retrouve seul avec mon cadeau

Et puis j’entends toquer à la porte d’à coté
J’entend un enfant qui rit
Il doit enfin voir le clown du jeudi
Sa veste à carreaux
Il a aussi droit à son cadeau
Et moi je suis seul, ça me brise le cœur
Mon rire a laissé place à mes pleurs
Je regarde par la fenêtre, le ciel est noir, il n’y a pas d’oiseaux
Mais il y a des fleurs, est-ce qu’elles jettent toutes de l’eau ?

Un matin, madame Leblanc est venue s’assoir face à moi
Elle m’a pris la main et m’a dit : « tu sais Baltazar, tu t’es bien battu,
Tes cheveux sont maintenant tous revenus,
Tu as gagné la partie, tout est enfin fini
Tu vas rentrer à la maison et retourner à l’école avec tes amis »

Alors j’ai sauté de mon lit, j’ai couru dans le grand couloir
J’ai crié à toutes les infirmières que je partais aujourd’hui
Elles m’ont pris dans leurs bras
Je les ai vu rire alors qu’on n’est même pas jeudi

Avec maman, on franchit la porte automatique de l’hôpital Bérard
Elle s’est alors retournée et à dit « merci, vous avez sauvé mon p’tit Baltazar »

Je courrais dans la rue, je sautais dans toutes les flaques
Je regardais maman et elle me disait « vas-y amuse-toi »
Je faisais envoler tous les oiseaux
J’ai appuyé sur des fleurs, aucune n’a jeté de l’eau

Ça y est, c’est le grand jour, on est devant le portail de l’école,
Je me mets sur la pointe des pieds et du bout du doigt je sonne
Je suis embrassé chaleureusement par ma maitresse Nicole
Elle explique à maman que jamais personne ne s’est assis à ma place
Que les petits copains avaient mis ma photo sur ma chaise
Et que chaque matin lorsqu’elle fait l’appel
Alors les enfants, chacun leur tour, répondent « présent » lorsqu’elle prononce mon prénom

J’arrive devant la porte de la classe, mon petit cœur tape fort
Je vais devoir toquer, puis être face à tous ses regards qui vont me dévisager
J’ai si peur alors que de ce moment, j’en ai rêvé.

Batiste a tiré ma chaise et a enlevé ma photo
Je me suis assis et Nicole a commencé à faire l’appel
Et lorsqu’elle a dit « Baltazar », j’ai répondu fièrement « présent »
Tous les enfants ont applaudi
J’étais comme au paradis
J’ai ri et pourtant on n’était pas jeudi

Ces souvenirs remontent à plus de vingt ans
Aujourd’hui je suis dans une salle d’attente inoccupée,
J’enfile ma veste à carreaux
Je peaufine mon maquillage
J’enfile mes grandes chaussures plates
J’accroche ma fleur qui jette de l’eau
Je prends mon sac qui déborde de cadeaux

Je respire une grande bouffée d’air, mon cœur va exploser
J’ai le trac, c’est mon premier jour et je vais devoir toquer
Je sais que le gamin qui sera derrière la porte m’attend impatiemment
Je toque et je dis fébrilement « c’est le clown du jeudi »

Je vois ses grands yeux et son grand sourire
Il me dit « mais tu n’es pas le vieux clown »
Je lui réponds que non, mais qu’il m’a confié son costume
Et que je l’ai bien connu

Il prend le cadeau
Il appui sur la fleur, il en sort de l’eau
Je lis sur sa gourmette qu’il s’appelle Léo

Mais il est maintenant l’heure de passer à la chambre suivante
Je ne veux pas refermer la porte et qu’il pleur
Je lui dis « dis-moi Léo, veux-tu venir toquer avec moi, à la porte d’à côté ? »

On est face à la porte, je lui fais signe de la tête
Le gamin s’approche et toque
Une fillette dit alors « qui est-ce ?»
Léo répondit « je suis avec le clown du jeudi »
On passe ainsi de chambre en chambre
Je suis entouré de plus en plus de gamins
Ils sont heureux et ont tous un cadeau à la main

Une infirmière tient à me remercier d’avoir repris le flambeau
Je la reconnais, même si elle a vieilli, c’est madame Leblanc
Elle me dit « comment dois-je appeler ce jeune clown ? »
Je lui réponds « Baltasar, chambre 112 »

Je vois une larme couler sur sa joue
Elle me prend dans ses bras et me sert très fort
Et me dit « tu sais Baltazar
C’est pour vivre des moments comme ceux là qu’on se lève le matin
Pour que le rire chasse un jour le chagrin »

Pour soutenir tous ces gamins qui s’accroche à la vie
Il y aura toujours un clown du jeudi


.
Modifié en dernier par fab38 le 05 avr. 2020 13:55, modifié 1 fois.
là où la route finit, l'aventure commence
Avatar du membre
fab38
Gazogéne !
Gazogéne !
Reactions :
Messages : 772
Enregistré le : 06 sept. 2011 10:16
Prénom(s) : fabien

Re: il faut un premier

Message par fab38 »

voici mon texte pour rendre hommage aux infirmières en ce moment :

......……………..

Septembre 2019,
Cela fait maintenant 12 ans que Stella travaille de nuit au service des Urgences
Et pour la première fois de sa carrière, elle s’est recroquevillée dans un coin et a pleuré.
Elle n’a pas pu sauver cette pauvre dame, elle lui a dit « ne vous inquiétez pas, je vais vous trouver une chambre médicalisée et je vais appeler le médecin d’astreinte »
Puis Stella est revenue en courant pour annoncer à la dame que le médecin était sur la route
Mais la dame était morte sur son brancard, sur le bord du couloir et dans l’indifférence générale.

Alors cette nuit-là, Stella a craqué, elle a dit Stop
Elle a réuni ses collègues et avec sa voix remplie de sanglots, elle a fait ce constat effroyable :
« Mes amis, notre hôpital se meurt :
- On n’a plus aucun lit de disponible
- il nous manque des médicaments de première nécessité
- il n’y a plus de service de sécurité, on est en première ligne pour se faire frapper
- on enchaîne des gardes de 24 heures
- nos heures sup ne sont même pas payées
- et déjà combien de nos collègues sont partis dans le privé ?
- on veut même fermer notre maternité ….

Et quelle est notre vie personnelle, à nous toutes, et à nous tous ?
- Nos enfants qu’on ne voit pas grandir
- Nos conjoints qui dorment quand on arrive, quand ils n’ont pas déjà jeté l’éponge
- Nos amis qui n’en peuvent plus de nous voir sur les nerfs »

Alors Stella a dit Stop, on ne peut plus continuer ainsi, il faut le faire savoir.

Le lendemain elle a acheté une bombe de peinture rouge et a demandé à ses collègues de recouvrir le portail d’un grand drap blanc sur lequel elle a écrit :


SOS
Urgence en colère,
Aidez-nous, on n’en peut plus


Alors le directeur de l’hôpital a bien voulu recevoir un petit groupe représentatif
Il leur a exprimé toutes sa reconnaissance et a ensuite rappelé que la marge de manœuvre est serrée car il y a un budget à respecter, que de nos jours, l’hôpital avait les mêmes contraintes que n’importe quelle entreprise

Puis la nouvelle est tombée comme un couperet : le ministère a confirmé la fermeture de notre maternité et le non remplacement des futurs départs en retraite

Alors le combat s’est étendu :
Il y a eu les samedis dans la rue,
Des slogans criés à peine perdue
Des danses et des chants mais le cœur n’y était plus

Alors le Président de la République a parlé au 20 heures :
- Des fonds vont être débloqués
- Un audit va être lancé

Et les semaines se sont succédées sans rien voir venir,
la charge de travail toujours aussi épuisante
des journées et des nuits éreintantes.

et 6 mois plus tard, cette foutue pandémie
- il manque des lits
- il manque des masques
- il manque du gel
- il manque des respirateurs
- il manque du personnel
Des gens meurent sur les brancards, par dizaine
Même certains soignants sont infectés

Alors le Président de la République a parlé au 20 heures :
- Il remercie ceux qui continuent à travailler
- Il assure que des masques vont arrivés
- Qu’il demande même l’aide de l’armée

Mais Stella, furieuse, a éteint le téléviseur, dégoutée de réentendre toujours la même rengaine.
Elle reprendra son service demain, avec le masque en tissu que lui a confectionné sa voisine
- à 20 heures, elle n’écoutera plus les politiciens.
- à 20 heures, Elle ouvrira une fenêtre pour entendre les applaudissements venant des balcons. Ils lui iront droit au cœur.

Mais elle n’est pas dupe,
elle sait très bien que lorsque la crise sera passée alors plus personne ne les applaudira,
que les gens retourneront aux Urgences pour un petit mal à la tête,
qu’il seront aussi agressifs qu’avant.

Puis entre deux patients, Stella pense à ses enfants, ils doivent faire leurs devoirs
A son mari qui a dû lire son post-it sur le frigo pour penser à payer une facture
A ses amis qui eux mangent en famille, sans même en mesurer la chance
A toutes ces personnes qui pleurent la perte d’un proche

Le drap sur le portail est presque tout déchiré, des lettres rouges se sont effacées.
L’hiver a été rude
Mais on peut encore lire sa phrase qui est plus que jamais d’actualité :


SOS
Urgence en colère,
Aidez-nous, on n’en peut plus







-
là où la route finit, l'aventure commence
Avatar du membre
bernard
Perdu ?
Perdu ?
Reactions :
Messages : 2471
Enregistré le : 13 janv. 2007 16:45
Chaine Youtube : https://www.youtube.com/user/bastien59960/videos
Profil Facebook : https://www.facebook.com/bernard.debucquoi
Site Perso ou Pro : http://bernard.debucquoi.com

Re: il faut un premier

Message par bernard »

tu as tout dit ! rien à ajouter, Merci Fab :thumbup: :thumbup: :thumbup: Thks
Le vin d'ici est meilleur que l'eau-delà.
Vous aimez ce forum ? Alors soutenez le => http://forum.bernard.debucquoi.com/view ... 129&t=9673
:arrow: Membre BMH & Co

Bernard
Avatar du membre
zebulon54
j'vais à Lambe
j'vais à Lambe
Reactions :
Messages : 479
Enregistré le : 11 nov. 2014 11:02

Re: il faut un premier

Message par zebulon54 »

Bonjour

Beau texte sur une profession à qui nous devons et devrons beaucoup

L'homme est ainsi fait que sa mémoire est courte, trop courte sans doute
Pour l'heure nous devons tous faire notre maximum pour aider les soignants
La solidarité doit être notre ligne de conduite .
Ce n'est pas une question d'étiquette politique, religieuse ou que sais-je
C'est une des seules valeur capable de nous rassembler
Cette pandémie est un malheur mais elle peut nous faire sortir de note torpeur
A nous de savoir saisir cette opportunité
Et de tenter de construire un monde meilleur
Si nous ne le faisons pas
Personne ne le fera à notre place

(désolé pour la prose)
Répondre

Retourner vers « A vos plumes »